Il n’y a pas à tortiller : le ticket pour rejoindre la Bretagne depuis Saint-Pierre et Miquelon n’est pas donné. La flotte, depuis le départ hier à 18h10 de la baie de Saint-Pierre, galère. Elle galère à trouver du vent, et dans le bon sens. Comprenez qu’une zone orageuse, gonflée d’humidité et de vents faibles, les empêche de faire la route directe vers la baie de Saint-Brieuc. La compétition bat donc son plein au sein de la flotte des 10 Ocean Fifty, ces trimarans de 15 mètres qui ne demandent qu’à cavaler sitôt qu’ils touchent des vents portants. 150 milles avalés en 24h, ce n’est pas beaucoup… pour le moment. Car dès ce soir, attachez vos ceintures, les records peuvent tomber en Atlantique Nord pour rejoindre Saint-Quay-Portrieux ! Une incroyable première édition de la Route des Terre-Neuvas s’annonce….
Le messie de la météo le dit : « La logique, c’est de virer dans un vent qui tourne au Sud. Plus ils sont dans le Sud, plus c’est orageux avec des grains et de l’instabilité. Les trois premiers qui partent vers l’Est devraient creuser l’écart. Ça va aller vite ! ». Du Christian Dumard dans le texte, un homme de foi et de loi qui connait parfaitement l’Atlantique Nord pour avoir tenté par deux fois le passage du Nord-Ouest. En résumé : tu plonges au Sud pour attraper le vent qui bascule et forcit, et tu redémarres à fond de cale avec du vent qui te pousse. Une Léon Marchand en quelque sorte…
Du petit positionnement à la trajectoire parfaite
Il y quelque chose de spécial dans cette compétition unique et historique. Il a fallu s’extraire de l’émotion Saint-Pierraise, tellement chargée d’énergie positive, pour se mettre dans le bain de la compétition. L’air de rien, une transat de 2 180 milles à 3 équipiers est bien plus exigeante qu’une solitaire jusqu’au Antilles et ses palmiers. La vie rugueuse et bienveillante de habitants de l’archipel français aux vues des côtes canadiennes est un enseignement : « Si tu choques, t’es un lâche ! ». Alors depuis hier soir, personne n’a choqué sur les Ocean Fifty. Loin de là : « Ce fut une première nuit magnifique, avec une mer plate et des conditions lentes et tactiques. Là, ça commence à bouger, le vent forcit ! Une petite dépression vient à notre rencontre et le jeu est de passer au plus vite et de virer de bord pour enfin faire la route directe vers le Bretagne. Nous sommes super bien organisés à bord. Très heureux d’être là et de batailler ! » raconte ce jour Sébastien Rogues, skipper de Primonial. Erwan Le Roux, skipper de Koesio savait que le début de la Route de Terre Neuvas ne serait pas une sinécure : « Nous sommes encore au près. On tape de pioches, on essaie d’avancer vers le Sud pour attraper la rotation du vent et faire route vers l’Est. On a trouvé nos marques et notre rythme. On est super contents parce que nous avons bien navigué jusqu’à présent. Merci à Saint-Pierre pour l’accueil incroyable ! »
Attention les yeux, de Saint-Pierre et Miquelon à la baie de Saint-Brieuc, tous les regards sont tournés vers l’épopée fantastique de ces 30 marins de haute volée répartis sur dix trimarans en passe d’avaler l’Atlantique Nord en un temps record !